C’est le thème de l’après midi d’échange organisé par le salon les amies du bel âge le 25 juin 2020 animé par Dr. Latifa Halim.

Le débat, géré par Dr. Zakia Belahmar, était d’abord concentré sur la notion du handicap qui « ne doit être qu’une des dimensions de la diversité humaine, comme l’âge, le genre, la personnalité, la race, la classe, la famille, la religion et l’orientation sexuelle, entre autres. Le handicap est le produit de systèmes de représentations, basées sur des pratiques et attitudes culturelles, tout en considérant la diversité et l’hétérogénéité des personnes dites handicapées »[1]. L’appellation porte aussi préjudice, parler de personnes à besoins spécifiques permettrait de préserver leur dignité.

Au Maroc, selon Docteur Khouloud Sbai, le phénomène commence à sortir du tabou grâce à l’action de la société civile et aux engagements du pays en matière de promotion des droits humains. Les personnes « en situation du handicap sont plus visibles » alors que leur nombre ne cesse d’augmenter et pour cause principale le retard des mariages et le vieillissement de la population.

Les participantes ont souligné que la prise en charge des personnes en situation de handicap est très lourde et ce sont les femmes (maman, épouse, sœur) qui l’assument et sont de ce fait soumises à des pressions physiques, économiques et psychologiques et  plusieurs finissent épuisées, lessivées voire déprimées.

Grace aux réseaux sociaux, leurs souffrances ont été rendues visibles en ce temps de confinement du au Corona virus. En effet, en l’absence de l’accès aux infrastructures d’aide et d’appui et au personnel qualifié,  les femmes ont du prendre en charge 24 h sur 24  les personnes à besoins spécifiques. Par ailleurs et dans la majorité des cas, les efforts investis pour leur rééducation, enseignement sont perdus. Selon Latifa Ibrahimi, si le confinement a contribué à rendre plus visible les difficultés des familles prenant en charge les personnes à besoins spécifiques et les souffrances des femmes, il y a lieu de tirer les leçons.

Selon Docteur Badia Belahmar qui prend en charge une proche personne à besoins spécifiques et gère une crèche au Canada, le système mis en place (école, emplois,….) pour l’évaluation des personnes est basé sur des standards; la question qui se pose est qui est « normal » ou plutôt « pourquoi on juge tout le mode » et par rapport à quelle « normalité ». Elle a par ailleurs  insisté sur la nécessité du diagnostic et le suivi précoce ce qui permet d’une part de diminuer les coûts de prise en charge particulièrement pour les enfants «  à défis particuliers »[2], et de permettre à ces personnes de s’intégrer dans la société. Il faut, toutefois, que les services soient disponibles et que les parents acceptent d’admettre que leur enfant a besoin d’un suivi particulier ; la majorité des parents, particulièrement les pères, restent dans le déni (blessure narcissique « je suis « normal » comment je vais avoir un enfant en situation d’handicap - c’est aussi un sentiment de culpabilité). Pour Badia la maman, « j’ai pu constater que mon enfant a besoin d’un traitement et d’un suivi particulier et je m’étais dite « mon enfant a besoin de moi, je ne dois pas être dans le déni » et cela m’a permis de l’accompagner avec l’appui de spécialistes et d’éducateurs. Elle a ajouté qu’il reste toujours des situations délicates à gérer particulièrement à l’âge de l’adolescence.

Khadija Assari a de son coté souligné que les femmes en situation d’handicap souffrent de la marginalisation plus que les hommes ;  leur féminité est bafouée, elles ne se marient pas, ne peuvent pas avoir d’enfant et sont plus sujettes aux abus sexuels. Par ailleurs, l’handicap touche différemment les familles pauvres et celles du milieu rural qui ne disposent pas de moyens financiers ou aux services  d’appui disponibles  en ville que ce soit par la société civile ou par l’Etat.

Au Maroc  les politiques publiques sont plus axées sur la mise en place de l’infrastructure ce qui permet d’alléger les charges sur les parents, particulièrement les femmes alors que l’approche intégrative est encore à l’état de balbutiement. Certes, pour les personnes vivant une situation d’handicap moteur, la prise en charge nécessite des moyens et toute une logistique que ces centres fournissent.

Dr Mina Lamghari a par ailleurs souligné que les zaouïas et mâristâns ont joué un rôle dans la prise en charge de personnes vivant des situations d’handicap et a souligné que cela fera l’objet d’une intervention plus détaillée ultérieurement.

Pour Alia Karim, les parents et les enfants en situation d’handicap souffrent plus dans une société handicapée car elles sont sujettes au dénigrement, harcèlement, …La société est appelée à permettre à ces personnes d’accepter leurs limites et d’exploiter leurs potentialités pour être productives.

Le changement des mentalités et du regard de la société et le passage d’un regard caritatif à un regard droit humains permettrait d’admettre et de reconnaitre que tout citoyen a le droit de mener une vie décente et de bénéficier de l’accompagnement adéquat. Un travail de fond est également à mener auprès des personnes vivant avec un handicap, qui ont plus une psychologie de l’assisté, pour  se prendre en main ; le tout passe par l’éducation et les images véhiculées par les médias.

Dr. Khadija ASSARI

[1] Contribution Raja Syagi

[2] On ne parle plus de personnes à problèmes mas « à défis » particuliers